Appel à communications des deuxièmes Journées d’histoire industrielle
Conseil scientifique : Jean-Claude Daumas (Université de Franche-Comté), Michel Hau (Université Marc Bloch, Strasbourg), Pierre Lamard (Université de Technologie de Belfort-Montbéliard), Nicolas Stoskopf (Université de Haute-Alsace), Laurent Tissot (Université de Neuchâtel)
Quand « c’est chimique », ce n’est pas bon signe… Pourtant les produits de la chimie industrielle sont partout, dans nos assiettes, nos médicaments, nos vêtements, nos voitures, nos ordinateurs et même dans l’air que nous respirons à l’état de traces, de particules parfois indésirables, polluantes, voire nuisibles. Plus qu’aucune autre branche d’activité, l’industrie chimique est sollicitée par la demande du marché pour fournir les biens intermédiaires nécessaires à tel ou tel processus de production ou les molécules entrant dans des produits de consommation courante. Son développement est lié aux capacités de sociétés à apporter les compétences, les capitaux et à mettre en œuvre des technologies innovantes. Le retour sur investissement est alors largement favorable pour les territoires de la chimie. Mais en même temps, l’industrie chimique suscite très souvent la méfiance, voire la répulsion : si on l’a toujours préférée loin de chez soi par crainte des nuisances, les drames contemporains (Seveso, Bhopal, Minamata, AZF à Toulouse) l’ont assimilée aux yeux de l’opinion publique à un risque mortel.
Les relations entre industrie chimique et société pourront être examinées à travers trois directions principales :
– On s’interrogera d’abord sur l’environnement économique et social qui a favorisé au cours des deux siècles le développement local de l’industrie chimique, à savoir le rôle respectif de ressources en matières premières, en capitaux ou en matière grise, la demande d’un tissu d’activités préexistant, l’initiative des entrepreneurs. Inversement, on pourra également travailler sur les facteurs d’un blocage de développement ou sur les raisons d’un déclin.
– On se demandera ensuite si l’industrie chimique crée des territoires particuliers par le rassemblement des compétences, les exigences de formation, les richesses distribuées. On pourra ainsi travailler sur les acteurs de l’industrie chimique (ingénieurs, techniciens, ouvriers) et sur les laboratoires de recherche. L’évolution contemporaine de ces territoires pose à son tour problème : voit-on se dessiner une spécialisation de leurs activités, de production ou de recherche ? L’amont et l’aval de ce secteur répondent-ils aux mêmes logiques territoriales face à la mondialisation ?
– La contribution de l’industrie chimique à l’évolution des sociétés contemporaines depuis le XIXe siècle, au progrès technologique, à la modernisation des genres de vie et aux changements des habitudes de consommation devrait être aussi étudiée : dans quelle mesure et selon quelle chronologie, l’industrie chimique est-elle, par les matériaux et les substances mis sur le marché, un agent de transformation sociale ? Quant à la prise de conscience des risques et des nuisances, à l’image de l’industrie chimique auprès de la population, elle est aussi une construction sociale qui a connu des variations dans le temps comme dans l’espace. A l’heure où les représentations négatives paraissent dominantes, il sera intéressant de travailler sur leur origine et leur diffusion ainsi que sur l’évolution des contraintes environnementales qui en résultent.
Le choix de cette thématique de recherche « Industrie chimique et société » nous est suggéré par le bicentenaire de la Fabrique de produits chimiques de Thann (Millenium Inorganic Chemicals, Albermarle PPC), fondée en 1808, qui est le plus ancien établissement chimique de France en activité.
Pierre Lamard, professeur à l’UTBM
Nicolas Stoskopf, professeur à l’UHA, directeur du CRESAT