Séminaire Jeune Chercheur – 10 mars 2021

« L’entreprise sous influence normative : les fonctions de la responsabilité sociale dans la crise sanitaire »

Stéphanie Poirot, doctorante

Résumé

La crise sanitaire mondiale redessine les contours de l’entreprise et l’invite à coopérer étroitement avec l’Etat. La construction du monde post-Covid ne peut être pensée sans celle-ci. Un profond changement philosophique s’opère de la part des salariés, des actionnaires, des clients, des fournisseurs… vis-à-vis des entreprises. Le rapport entre l’Etat et l’entreprise tend vers un renforcement du droit étatique par celle-ci dans un espace plus global. En effet, l’entreprise sous couvert de son caractère transnational s’implante bien souvent dans les États les « moins disant social ». L’épidémie mondiale accentue le phénomène du dumping social où l’économie prévaut sur le social et l’environnement. Dès lors, les failles du modèle économique actuel ne peuvent plus être passées sous silence et l’attente des parties prenantes pour une « responsabilité » de l’entreprise dans son ancrage territorial, accélère le dépassement du rôle de l’entreprise jusqu’alors prédominé par la pensée de Milton Friedman.

Toutefois, les organisations intergouvernementales promeuvent depuis les années 2000 l’adoption des normes de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) auprès des États et des entreprises à travers différents textes relevant de la soft law dont l’objectif premier est de respecter les lois et dans un second temps d’aller au-delà de ces dernières. Il semblerait que la crise soit une formidable opportunité pour l’entreprise de se saisir du concept de la RSE et d’améliorer ses méthodes de management en vue de concilier et rééquilibrer les enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Ce contexte particulier remet en jeu les intérêts privés économiques et la recherche d’un « intérêt général » mondial.

La résilience et l’agilité dont ont fait preuve certaines entreprises ont permis à celles-ci de s’inscrire dans une solidarité nationale. C’est le cas par exemple, de l’innovation frugale de Décathlon qui a fait don de ses masques de plongée aux hôpitaux, ou encore Yves Rocher en fournissant du gel hydroalcoolique au personnel soignant. Autre exemple marquant, celui de la brasserie alsacienne Kronenbourg qui soutient l’économie locale pour aider la relance économique et afin de préserver l’emploi en rejoignant, via sa marque 1664, le fonds de solidarité lancé par Tudigo et OFG.

Des aides à la relocalisation industrielle ont également été débloquées par le gouvernement et jouissent d’un véritable succès. La crise sanitaire emporte avec elle le besoin de recourir au « Made in France » et donc à une relocalisation des usines sur le territoire français.

Le Covid-19 a généralisé la pratique du télétravail qui a notamment poussé les salariés à se réinterroger sur le rôle de la société pour laquelle ils travaillent. Désormais, l’entreprise ne doit plus seulement attirer les investisseurs financiers, puisqu’en effet, le salarié a besoin de trouver du sens dans son activité. Ce nouveau défi, oblige l’entreprise à afficher une certaine éthique mais aussi à développer une réelle politique de RSE. La crise sanitaire a mis en avant les métiers exposés au risque de contamination dont les employés occupent bien souvent des postes peu valorisés.

De ce fait, les normes de RSE sont plus que jamais d’actualité. L’entreprise doit aller au-delà des normes étatiques pour impulser l’écriture d’une nouvelle économie basée sur l’équilibre des enjeux économiques, sociaux et environnementaux qui finalement ne peuvent s’articuler l’un sans l’autre. En s’emparant des normes de la RSE, l’entreprise, qui n’existe pas en droit, doit être repensée aux vues de ses nouvelles missions qui rencontrent celles de l’Etat.

Mais il ne faut pas s’y tromper là où certaines entreprises sont convaincues de la plus-value apportée par une « bonne pratique » des normes de la RSE, allant jusqu’à susciter l’adoption de lois étatiques qui imposent ces avancées sociales et environnementales, certaines ne restent qu’au stade de la communication. Cet affichage de slogans, de publicités ou de labels « auto-crées » passent à côté de la régulation et faussent bien souvent le jugement des parties prenantes. Dans ce monde en crise et concomitamment en mutation, le retour à une philosophie plus humaniste de l’entreprise, pose la question de sa redéfinition.

Stéphanie Poirot

Stéphanie Poirot est doctorante en Droit spécialisée en Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Elle fait partie de l’équipe droit social, à l’Unité Mixte de Recherche « Droit, Religion, Entreprise et Société » (DRES) -UMR 7354, rattaché à l’Ecole doctorale 101 « sciences juridiques » de l’Université de Strasbourg.

Elle effectue sa thèse dans le cadre d’une Convention Industrielle de Formation en Entreprise (CIFRE) avec la Direction RSE d’Orange Groupe.

Ses recherchent portent sur le sujet suivant : « Performance sociale et compétitivité économique : étude juridique des dispositifs de responsabilité sociétale des entreprises », sous la direction de Madame Fleur LARONZE, Maître de conférences HDR.

Date et lieu

10 mars
17:00 – 19:00 (heure de Paris)

Le séminaire aura lieu en visioconférence.
Pour y assister, il suffit de vous connecter sur la plate-forme de l’Université de Haute-Alsace en suivant ce lien.