10e journées d’histoire industrielle – 14 et 15 novembre 2024
Femmes et industrie, XVIIe-XXIe siècles
Organisées par
FEMTO-ST/RECITS (UMR 6174, Université de Technologie de Belfort-Montbéliard)
le CRESAT (Université de Haute-Alsace)
et le GRHis (Université de Rouen Normandie)
A l’UTBM (campus de Sevenans)
Résumé
Le monde industriel connait actuellement d’importantes mutations des processus sociaux définissant les rôles sexués des un·e·s et des autres : les ouvrières remettent en question les rapports de genre et portent des questions spécifiquement féminines. Héritage des débats parlementaires des années 1880-1900 sur la séduction dolosive, la loi condamne depuis 1991 le harcèlement sexuel : on est loin de la « fille d’usine » à la réputation douteuse décrite par les économistes libéraux du XIXe siècle. Depuis 2011, la citoyenneté professionnelle, longtemps en avance sur la citoyenneté politique, se renforce par les lois instituant des quotas dans les instances de gouvernance. À partir des années 1990, les femmes sont aussi plus nombreuses et plus visibles dans les postes à responsabilité, alors que les études de genre des affaires se développent. Ainsi, si les historiennes se sont précocement intéressées aux ouvrières, la place et le rôle des femmes autres qu’ouvrières dans les entreprises industrielles et artisanales de taille moyenne et petite restent un champ de recherche important, de même que la question de la porosité entre le travail industriel et domestique, ou encore l’agentivité des actrices, quel que soit leur niveau de qualification, notamment selon leur statut matrimonial.
Par ailleurs, l’histoire des techniques a longtemps été en retrait de l’histoire des sciences pour négocier le virage du genre, tant la naturalisation du féminin a-technique, voire anti-technique était difficile à remettre en question. Si on sait bien désormais que « les femmes ont toujours travaillé », d’une part elles n’ont pu le faire pendant longtemps au même niveau hiérarchique, technique et éducatif que les hommes, d’autre part cette activité, lorsqu’elle était salariée et échappait donc aux silences de l’histoire, n’allait pas de soi pour leurs maris, cadres ou ouvriers. Ainsi, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, les voies divergentes de l’émancipation prises par le mouvement ouvrier -plus ou moins androcentrique- et le féminisme, puis leur convergence plus récente, invitent à interroger les positions, notamment ouvrières et patronales, par rapport au travail féminin et au féminisme, mais aussi les modes d’action des un·e·s et des autres.
Les questions de la parole publique féminine, de la possibilité d’une mobilisation, qu’elle soit de genre ou de classe, peuvent être analysées en lien avec les enjeux familiaux et juridiques, comme l’indique la fin de l’autorisation maritale pour adhérer à un syndicat (1920). Les rapports de genre et la famille n’éclairent donc pas que l’organisation de l’entreprise, mais permettent aussi de questionner l’engagement syndical, y compris dans la dimension corporelle des luttes.
La technique, envisagée sous l’angle des savoirs et des pratiques, sera mise en relation avec l’étude des lieux de transmission des connaissances extra-académiques et les professions et activités les plus qualifiées. Ce qui renvoie à la question des formations techniques accessibles aux femmes et à l’histoire de l’enseignement professionnel, mais encore une fois aussi aux facteurs familiaux, comme le montre la surreprésentation des célibataires au sein des inventrices déposant un brevet au XIXe siècle. Il ne s’agit donc pas de célébrer des figures de « pionnières », ce qui pourrait revenir à entériner la légende d’une nature féminine a-technique, mais plutôt d’interroger les conditions historiques de production et d’accès aux savoirs techniques.
Programme
Date et lieu
14 et 15 novembre 2024
UTBM, Campus de Sevenans
Amphithéâtre P228
Rue de Leupe, 90400 Sevenans