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Le projet de recherche CHAT (Cartographie Historique pour un Atlas Transfrontalier) a pour ambition de donner une dynamique nouvelle au travail prometteur de cartographie historique mené au CRESAT depuis une dizaine d’année. En effet, travaillant respectivement sur la géographie du pouvoir dans les villes de l’espace rhénan à époque médiévale, sur les logiques territoriales de l’industrie et sur le patrimoine industriel à l’époque contemporaine ou sur la géo-histoire des risques (inondations, avalanches…), les chercheurs du CRESAT, par ailleurs fortement ancrés dans un territoire transfrontalier, ont progressivement intégré que la carte, loin d’être la simple illustration ou la déclinaison graphique d’un savoir qui lui préexistait, faisait bien au contraire naître des connaissances, qu’elle produisait un savoir et générait son propre discours. Dans cette perspective et conscients de l’importance de participer à l’élaboration d’outils pédagogiques et scientifiques, ils se sont fixés un double objectif. D’une part, en association avec la Société savante d’Alsace, de construire un Atlas historique de l’Alsace, outil pédagogique novateur puisque disponible en ligne (www.atlas.historique.alsace.uha.fr). Nourri par des chercheurs de tous horizons, cet atlas est progressivement devenu bilingue, toutes les notices étant traduites en allemand quand elles ne sont pas rédigées d’abord dans cette langue. D’autre part, de contribuer à la réflexion sur l’espace, à l’articulation des disciplines historique et géographique, en organisant depuis 2013 une journée d’études annuelle, Clio en cartes, qui s’est imposée comme une référence en la matière. Cette expertise repose enfin sur un atelier de cartographie dont les compétences sont mises au service des chercheurs français et étrangers (suisses et allemands). Or, la pérennisation de ce travail dépend aujourd’hui des réponses que l’équipe doit apporter à un certain nombre d’enjeux nouveaux.

Objectifs

En ce qui concerne les thématiques de recherche, il s’agit d’apporter des réponses pertinentes à de nouvelles problématiques afin de représenter de manière toujours plus précise des phénomènes transfrontaliers multiples et complexes, de l’antiquité à nos jours. On s’interrogera notamment sur les « nouvelles formes à donner à la région », les frontières actuelles de l’Alsace n’ayant, de fait, pas de pertinence pour la plupart des époques historiques et pour la plupart des phénomènes économiques sociaux et culturels. L’Atlas comporte déjà des cartes traversant le Rhin mais cette caractéristique n’est pas systématique. C’est pourquoi le projet se propose de faire de la cartographie des phénomènes transfrontaliers un des axes principaux à développer afin d’obtenir un Atlas historique du Rhin supérieur. Notre démarche reposerait d’abord sur une réflexion sur les domaines d’interculturalité, permettant de réaliser de nouvelles cartes dépassant les frontières actuelles de l’Alsace (cartes sur l’éducation, les bibliothèques, le fait religieux les interactions économiques ou les phénomènes migratoires, …) Les cartes existantes qui s’en tiennent aux frontières de l’Alsace devront par ailleurs être reprises lorsque l’élargissement à l’Allemagne et/ou à la Suisse sera pertinent. Ainsi, nous arriverons à faire ressortir les continuités économiques, sociales et culturelles tout en faisant vraisemblablement apparaitre  des lignes de faille nouvelles qui recouperont, ou pas, les frontières politiques.

Pour les périodes médiévale et moderne, les thèmes des fluctuations des frontières et de la diversité des territoires politiques, culturels ou encore confessionnels seront au cœur de la réflexion. En histoire économique contemporaine, deux directions seront privilégiées à une échelle trinationale depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. D’une part, nous chercherons à comprendre et à expliquer les dynamiques territoriales de l’industrie dans le Rhin supérieur : pourquoi l’Alsace, qui reste l’une des régions les plus industrielles de France, a-t-elle malgré tout « décroché » par rapport à ses voisins suisses ou allemands ? Comment s’est comporté le “modèle rhénan” ? D’autre part, nous nous intéresserons aux mutations sociales en historicisant la question des marchés du travail et du travail frontalier en intégrant également l’enjeu de la formation, tant professionnelle qu’universitaire. En géographie, le Rhin supérieur est également un exemple parfait de risque partagé, puisque, en cas de crue, Suisse, France et Allemagne peuvent être impactés, soit par le Rhin, soit par ses affluents. La cartographie de risques à l’échelle du fossé rhénan relative, par exemple, aux inondations historiques et à la gestion comparative (nourrie des résultats des ANR-DFG Transrisk et Transrisk², et de l’Interreg Clim’ability), permettra de proposer des scenarios et d’optimiser le dialogue transnational et la prévention des risques.

Cette réflexion sur la compatibilité des pratiques cartographiques avec les frontières étatiques d’une part, avec des objets dépassant celles-ci d’autre part, sera l’occasion de deux manifestations scientifiques.

La représentation des frontières dans les cartes historiques et actuelles, et la création de la frontière par la cartographie sera l’objet de la cinquième édition de la journée d’études Clio en cartes (2017). Un colloque sera par ailleurs organisé pour prolonger et élargir ces questions en les confrontant aux enjeux de la cartographie historique de phénomènes transfrontaliers et interculturels. Intitulé « Cartographie, transfrontalité et interculturalité de l’Antiquité à nos jours », il aura lieu en 2019.

On entamera également  un dialogue franco-allemand fertile sur l’usage des cartes. En France, depuis Vidal de la Blache, les relations extrêmement étroites qui se sont nouées entre histoire et géographie, font qu’il n’est pas d’étude d’envergure sans cartes et, qu’au point de vue de l’enseignement, les deux disciplines soient aux mains d’enseignants formés au même moule (dans l’enseignement secondaire en particulier).  A l’inverse, en Allemagne où la géographie est plus proche de la géologie, des sciences de l’environnement voire de l’économie ou de la sociologie, l’usage des cartes est largement inconnu des historiens et le spatial turn des années 1990 ne les a pas amenés à réévaluer de manière significative l’apport heuristique de la cartographie. Même la synthèse allemande la plus récente et par ailleurs excellente sur les espaces en histoire ne comporte pas une carte (S. Rau, Räume, Francfort, 2013). Une journée d’études transfrontalière, en français et en allemand, sera l’occasion d’interroger cette différence culturelle fondamentale (journée d’études « La carte en histoire : passion française, méfiance germanique ».

Ces recherches alimenteront d’une part l’Atlas historique d’Alsace en ligne qui devra évoluer en fonction de ces questionnements nouveaux et dans la perspective d’intégrer de nouveaux chercheurs issus d’autres disciplines  (histoire de l’art, sociologie, science politique etc.) et/ou issus des universités partenaires d’EUCOR. Chez nos voisins, la chaire de Landesgeschichte de l’université de Fribourg-en-Brisgau (Prof. Dr. Jürgen Dendorfer, Dr. Heinz Krieg) avec laquelle l’Atlas et l’atelier de cartographie ont déjà travaillé (Adelsprojekt) doit par exemple devenir un partenaire permanent pour le projet. Au point de vue technique l’obsolescence  du site internet qui l’héberge nécessitera une refonte aussi profonde que coûteuse. D’autre part, issues de l’Atlas, un certain nombre de publications papier contribueront à diffuser ses travaux, le plus largement possible, auprès d’un public cultivé désireux de comprendre les dimensions interculturelles et transfrontalières de son territoire.

 

Équipes de recherche et partenaires impliqués

Porté par Régis Boulat, maître de conférences en histoire contemporaine au CRESAT (UHA), ce projet sera encadré scientifiquement par le comité de pilotage de l’Atlas élargi pour la circonstance à de nouveaux membres issus notamment des équipes de recherche ARCHIMEDE (UMR7044) et ARCHE (EA 3400). Cette dernière sera appelée à occuper une place toute particulière dans l’ensemble du dispositif.

Comité de pilotage de l’AHA :

·         Odile Kammerer, professeur émérite, UHA ( CRESAT), directeur de publication de l’Atlas.

·         Isabelle Laboulais, professeur d’histoire moderne, Unistra ( ARCHE).

·         Benoît Jordan, archiviste, président de la Société savante d’Alsace.

·         Nicolas Stoskopf, professeur d’histoire contemporaine, UHA (CRESAT).

·         Olivier Richard, professeur d’histoire médiévale, Unistra (ARCHE).

·         Alain Lemaître, professeur d’histoire moderne, UHA (CRESAT).

·         Jean-Jacques Schwien, maître de conférences en archéologie médiévale, Unistra (ARCHIMEDE).

·         Benjamin Furst, cartographe au CRESAT, doctorant en histoire moderne, UHA et Université de Montréal.

Autres membres de l’UHA impliqués :

·         Brice Martin, maître de conférences en géographie (CRESAT).

·         Aziza Gril-Mariotte, maître de conférences en histoire de l’art (CRESAT).

·         Karin Dietrich-Chenel, maître de conférences en civilisation allemande  (CRESAT).

·         Laetitia Bracco, Bibliothécaire, responsable de la BU Fonderie.

La diversité des autres partenaires sollicités reflète la volonté d’ancrer durablement les recherches dans l’ensemble du territoire du Rhin-supérieur.

·         Archives de l’ancien Evêché de Bâle (Porrentruy, Suisse) : Jean-Claude Rebetez (conservateur).

·         Pôle d’archéologie interdépartemental rhénan (PAIR, Sélestat) : Muriel Roth Zehner et Adrien Vuillemin ( archéologues territoriaux).

·         Lehrstuhl für Mittelalterliche Geschichte und Abteilung Landesgeschichte, Uni Freiburg : Jürgen Dendorfer (professeur d’histoire médiévale) et Heinz Krieg (chercheur en histoire médiévale).

·         Nicolas Verdier Directeur de recherche, CNRS (UMR 8504 Géographie-cités), et directeur d’étude, EHESS.

·         Bernard Reitel, professeur de géographie, Université d’Artois (CREHS)

·         Léonard Dauphant, maître de conférences en histoire médiévale, Université de Lorraine (CRULH).

·         Séverine Antigone Marin, maître de conférences en histoire contemporaine, Unistra (ARCHE).