TRANSRISK est un projet de recherche sur trois ans (2008-2010), soutenu et financé conjointement par l’ANR (France) et la DFG (Allemagne). Son budget est de 140 000 €. Il est coordonné par Brice Martin et Rüdiger Glaser, professeur à l’Institut de géographie physique de l’Université Albert-Ludwig, de Freiburg. Il associe Katrin Burger (Université de Freiburg), Emmanuel Garnier (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement/DSM, Saclay), Patrick Wassmer (ULP, Strasbourg) et pour le CRESAT, Karine Dietrich-Chenel, Jean-Philippe Droux, Ouarda Guerrouah, Alain J. Lemaitre, Bernard Reitel, Marie-Claire Vitoux et Lauriane With.

Cadre général et problématique

Si l’histoire et la géographie du fossé rhénan (ou Rhin supérieur) ont déjà été analysées sous différents aspects tels que la genèse de paysages, le peuplement ou encore les conséquences des conflits franco-allemands des deux derniers siècles, aucun travail ne s’était jusqu’à présent consacré à l’étude géohistorique des inondations. Tout au plus trouve-t-on des études ponctuelles d’un coté ou de l’autre de la frontière, des études portant sur le Rhin, mais aucune approche globale dans le temps et dans l’espace. Pourtant, dans un contexte de pression foncière croissante et de changement climatique, cette thématique de gestion des risques constitue un enjeu important de développement durable que l’on soit scientifique ou acteur de la société civile. La connaissance de l’histoire des inondations, de la compréhension des mécanismes de leur occurrence et de leur évolution est indispensable à la bonne gouvernance territoriale à l’échelle euro-régionale.

En effet, en matière de risques, la notion de frontière devient très artificielle et son respect paralysant. C’est un aspect d’ores et déjà intégré en termes de collaborations transfrontalières pour ce qui est du risque sismique, par exemple (travaux universitaires, exercice TRINAT), voire du risque d’inondation pour le Rhin, même s’il s’agit davantage de juxtaposition d’initiatives nationales que de réelles opérations concertées. Or, si le Rhin est un risque partagé entre France et Allemagne, c’est également une frontière, naturelle, historique, institutionnelle, à la stabilité et à la perméabilité relatives, dont le rôle va bien au-delà de la simple séparation physique des deux groupes de bassins versants et d’affluents du Rhin issus respectivement des Vosges et de la Forêt Noire. Toute la complexité et l’intérêt scientifique de l’étude diachronique des inondations tient dans cet espace qu’histoire et frontières mouvantes rendent unique et pluriel.

On peut considérer en effet que le fossé rhénan constitue, sur le plan géographique, un ensemble homogène, cohérent et symétrique par rapport au Rhin. Ce fossé d’effondrement tertiaire est constitué d’une vallée à fond plat d’altitude modeste (graben), bordée de part et d’autre par un piémont et un massif montagneux d’altitude équivalente (aux alentours de 1 400 m) : les Vosges et la Forêt Noire. Les conditions climatiques sont très proches, caractérisées par de forts contrastes de précipitations entre des montagnes très arrosées et une plaine plutôt sèche dans un contexte de forte variabilité thermique dans le temps et dans l’espace. Se rajoutent à cela des données humaines comparables : fortes densités de population, réseau urbain dense, périurbanisation, important tissu industriel, agriculture dynamique (terres labourables – viticulture – sylviculture – agro-tourisme de montagne), réseaux de voies de communication denses, etc.

En matière de risques, l’aléa inondation se caractérise par des crues torrentielles d’origine pluviale ou neigeuse dans les vallées montagnardes, des crues lentes en plaine, des coulées de boue sur les piémonts et du ruissellement urbain liés à l’activité orageuse. Les enjeux et la vulnérabilité sont importants et comparables de part et d’autre de la frontière du fait la pression croissante des activités humaines évoquées précédemment, notamment dans le lit majeur des différents cours d’eau. Face à cette unicité de l’objet d’étude, il faut néanmoins souligner que les inondations conservent d’un point de vue dimensionnel et fonctionnel des caractères purement nationaux, puisqu’en dehors du Rhin aucun autre cours d’eau n’est partagé entre les deux pays. Mais les facteurs climatiques générant les inondations sont,  a priori, parfaitement partagés et ignorent les frontières du fait de la dimension réduite de l’espace du fossé rhénan et des similitudes topographiques. Par conséquent, tout porte à croire que les situations de crue sont communes et produisent des effets quasi-simultanés dans les parties française et allemande.

Objectifs scientifiques et synergies franco – allemandes

Cette apparente unicité de la zone d’étude quant aux conditions d’occurrence des inondations soulève plusieurs questions :

  • Quelles sont les situations de crue ?
  • Quand et où se sont-elles produites ?
  • Quels ont été leurs effets ?
  • Sont-elles connues et prises en compte par les acteurs (chercheurs, décideurs, public) ?
  • Y a-t-il convergence entre les informations allemandes et françaises ?
  • Y a-t-il des parallèles, des différences ou des anomalies entre les côtés allemand et français
  • Y a-t-il symétrie ou dissymétrie en matière de gestion des risques, de connaissance des phénomène, continuité ou discontinuité du risque du fait d’un effet « frontière »  ?
  • Au-delà, dans le contexte précédemment évoqué du réchauffement climatique et de la pression foncière croissante, peut-on établir des scenarii de risques et proposer des stratégies d’adaptation et de prévention construites sur la mise en commun des retours d’expérience ?

Tels sont les objectifs scientifiques de ce programme franco-allemand. Pour les réaliser, il convient dans un premier temps de procéder à la reconstitution de l’histoire des inondations dans le fossé rhénan en s’appuyant sur les données disponibles dans les archives françaises et allemandes. Cette étape justifie à elle seule le partenariat franco-allemand, dont la synergie va être construite sur une double interdisciplinarité :

  • D’un point de vue scientifique, avec la mise en commun, en matière de risques d’inondation, des compétences spatiales des géographes et temporelles des historiens, des apports des sciences dures (géographie physique) et des sciences humaines et sociales (histoire, anthropologie, LLCE Allemand) pour la constitution d’un corpus de sources critiquées et interprétées. Les méthodes d’analyse des phénomènes pour les géographes et des sources pour les historiens seront mobilisées de façon complémentaire et convergente.
  • D’un point de vue linguistique, pour la transposition des informations et des résultats français en allemand et vice-versa, mais surtout pour l’exploitation des archives du coté français, plus complètes et plus complexes, car rédigées pour partie en allemand.