Appel à communications
8e Journées d’Histoire industrielle : « Les industries aux colonies, les indigènes dans l’industrie »
Colloque – 8 et 9 novembre 2018, UHA (campus Fonderie) et UTBM (campus de Sevenans)
Colloque organisé par l’Université de Haute Alsace et l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard –UBFC
Les rapports entre industrialisation et colonisation, et plus largement entre le fait colonial et le fait industriel, ont fait, parmi les économistes et les historiens, l’objet de débats majeurs qui ne sont pas encore tous tranchés. Trois types de questions semblent se dégager : tout d’abord, à suivre l’historiographie marxiste, les colonies américaines auraient été déterminantes pour amorcer l’industrialisation du Royaume-Uni ; ensuite et inversement, selon Daniel Headrick notamment, l’industrialisation de l’Occident aurait permis aux Européens de dominer le reste du monde au XIXe siècle. Enfin, concernant cette fois la fin de l’expérience coloniale, les colonies apparaissent, pour Jacques Marseille et d’autres, comme un frein à la modernisation de l’économie en général et de l’industrie métropolitaine en particulier.
Mais au-delà de ces débats classiques et encore d’actualité, la question de l’industrialisation des colonies en elles-mêmes a relativement peu retenu l’attention des historiens et économistes. Il était en effet entendu, que, dans le cadre des échanges inégaux, l’économie des colonies se caractérisait par une forte spécialisation (des indigènes, au sens légal du terme, à l’instar du terme esclave en Amérique) dans le secteur primaire et par une hypertrophie du secteur tertiaire (pour les colons), mais d’industrie point ou très peu, sauf notamment dans le secteur extractif, l’agro-alimentaire ou la construction des grandes infrastructures de l’économie coloniale ou d’intérêt stratégique… et mise à part l’exception du secteur textile indien. Dans des circonstances exceptionnelles, il arrivait toutefois que cette évidence fût remise en cause, suivant d’ailleurs des considérations extra-économiques : réflexions stratégiques sur la mise en valeur des colonies à la fin de la Grande Guerre (Sarraut), sur l’industrialisation des colonies à marche forcée au début de la Seconde Guerre mondiale, ou encore nécessité politique de tenir les promesses de développement arrachées à la fin de ce conflit, alors que les indépendances se profilaient à l’horizon (création du FIDES). « Les industries aux colonies » apparaissent donc en temps de paix comme un oxymore aux yeux des acteurs historiques : rares sont les entrepreneurs, tel Paul Bernard, qui militent pour une industrialisation des colonies. Mais l’oxymore est aussi historien, comme en témoigne le fait qu’ « industrialisation » constitue le mot le plus « out » dans les articles publiés sur le phénomène colonial selon Frederick Cooper (2005), à l’opposé des mots « in » comme « identité ». Il est donc proposé d’explorer davantage la présence des industries dans les colonies françaises ou étrangères, qu’elles soient d’origines locales ou européennes, précoloniales ou coloniales, ainsi que la chronologie de leur apparition et disparition, et les causes (douanières, législatives, technologiques, stratégiques, politiques etc.) de ces phénomènes, notamment à l’échelle locale, sans s’interdire d’analyser à l’échelle plus globale l’attitude fluctuante de l’Etat, des partis politiques, du patronat ou des syndicats face à la question de l’industrialisation des colonies. Les acteurs directs de cette industrialisation pourront aussi être interrogés : entrepreneurs et main-d’œuvre, qu’elle soit civile ou militaire, volontaire ou forcée, masculine ou beaucoup plus rarement féminine, ingénieurs et techniciens, souvent à l’origine d’innovations audacieuses dans les grands chantiers de travaux publics coloniaux, que ce soit dans la phase de mise en valeur initiale ou durant l’âge d’or de l’entre-deux-guerres (Dominique Barjot).
« Industrie aux colonies » et, inversement, dans une perspective impériale, présence indigène dans l’industrie métropolitaine : si, croit-on alors, le Plan de Constantine constitue une réponse à la crise malthusienne et au-delà politique qui menace l’Algérie française, le « problème » démographique algérien trouve surtout un début de réponse avec l’immigration croissante de la population masculine dans les usines de la métropole. Depuis quelques années, la contribution de la main-d’œuvre indigène à l’économie de la métropole a fait l’objet d’un regain d’intérêt de la part d’une jeune génération de chercheuses et chercheurs. Ouvriers indochinois de la Grande Guerre (16% des ouvriers civils des usines d’armement français sont indigènes en 1914-1918) ou main-d’œuvre algérienne des bidonvilles parisiens des Trente Glorieuses nous sont désormais mieux connus, mais ce champ de recherche ouvert depuis peu mérite encore d’être exploré : le Dictionnaire de la colonisation française de Claude Liauzu ne comporte pas d’entrée « ouvrier ». Conditions de vie et de travail, gestion coloniale de la main-d’œuvre, trajectoires personnelles, et cycles de vie, percée des premiers cadres indigènes, etc. pourront ainsi être évoqués.
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Calendrier et modalités pratiques
Merci d’adresser vos propositions de communication (titre, résumé d’une page maximum, courte présentation biographique) à regis.boulat@uha.fr et laurent.heyberger@utbm.fr avant le 26 février 2018. La sélection des communications sera indiquée aux proposants au plus tard le 12 mars. Les communications durant les JHI dureront 30 mn, questions comprises.
Organisateurs
Régis Boulat (UHA) et Laurent Heyberger (UTBM-UBFC).
Comité scientifique
- Régis Boulat, UHA
- Jean-Claude Daumas, Université de Franche-Comté-UBFC
- Aziza Gril-Mariotte, UHA
- Michel Hau, Université de Strasbourg
- Laurent Heyberger, UTBM-UBFC
- Pierre Lamard, UTBM-UBFC
- Nicolas Stoskopf, UHA
- Laurent Tissot, Université de Neuchâtel