Une convention d’étude a été signée le 1er janvier 2007 entre la Communauté de communes du Val d’Argent et l’Université de Haute-Alsace (CRESAT), pour la réalisation en plusieurs tranches d’un diagnostic du patrimoine industriel de la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines, à l’exception des habitats et du patrimoine minier. Les objets concernés sont d’abord les sites de production, les fabriques pour l’essentiel, c’est-à-dire les manufactures dévolues majoritairement au textile, issues de la révolution industrielle, mais aussi les moulins hérités de périodes plus anciennes qui étaient appelés « usines » avant le milieu du XIXe siècle car ils étaient actionnés par la force hydraulique. Viennent ensuite leurs infrastructures comme les rivières, bassins et canaux, les éléments architecturaux associés comme les magasins et entrepôts, enfin les jardins associés aux manufactures (nous n’envisagerons pas, à ce stade, les jardins ouvriers ni ceux qui entourent les villas patronales).

Le programme 

L’essentiel de cette étude est conduite en trois phases. Le premier volet est consacré à la revue analytique des sites du côté dit « d’Alsace » de Sainte-Marie-aux-Mines, c’est-à-dire ceux situés en rive droite de la Liepvrette. Nous y adjoindrons quelques premières pistes de réflexions sur  les débouchés que pourrait engendrer cette étude.

Le second volet sera consacré aux sites du côté dit « de Lorraine » de Sainte-Marie-aux-Mines. Le troisième concernera Sainte-Croix-aux-Mines, Lièpvre et Rombach-le-Franc. C’est aussi à l’occasion de cette troisième phase de l’étude que sera produite une réflexion plus générale sur les différentes composantes du patrimoine industriel, une hiérarchisation de l’intérêt des sites, une analyse comparative avec d’autres villes industrielles de France ou d’ailleurs, enfin les préconisations pour une gestion raisonnée de ce patrimoine.

La méthode 

Des fiches analytiques ont été conçues spécialement pour cette étude. D’une part, dans un souci de lisibilité et de pédagogie, elles doivent permettre au lecteur une appréciation rapide et globale du site, aussi juste que possible. D’autre part, dans un souci de démarche scientifique, leur rédaction adopte la chronologie du travail du chercheur, qui se déroule aux archives dans un premier temps ; la « vérification » sur le terrain vient ensuite (elle amène généralement des surprises). Le même souci nous a conduit à citer nos sources systématiquement : pour la partie historique comme pour l’archéologie sur documents, aucune affirmation ne s’affranchit de l’indication des sources, et l’on évitera autant que faire se peut les sources de seconde main. Nous n’avons pas non plus travaillé sur l’ensemble des corpus, ce qui aurait pris beaucoup plus de temps : nous avons ainsi privilégié le rapport qualité des informations / temps de recherche, estimant que les quelques corpus déjà défrichés, comme la série 5M des Archives départementales, les cadastres anciens ou la série FIII des Archives municipales apportaient déjà suffisamment d’informations pour étayer une approche patrimoniale évidemment perfectible.

Les résultats

Le potentiel des sites sainte-mariens nous est très vite apparu comme un gigantesque puzzle dont les pièces se mettent en place progressivement. La physionomie toute spécifique de l’industrie dans cette vallée s’impose au chercheur au fil du temps, dévoilée par ce travail de détective : une ville totalement saupoudrée d’une énorme cohorte de petites fabriques, au caractère industriel marqué mais dont un petit nombre seulement évoluèrent vers les grandes usines du XXe siècle. Le puzzle est loin d’avoir été complété, mais il est d’ores et déjà possible d’offrir une vision sinon exhaustive du moins assez juste de l’importance de ce tissu industriel. Car le constat a pu être fait que l’amnésie s’installe dans les mémoires au delà de deux (au plus trois) générations : les implantations des différentes entreprises, leur devenir, leur cessation d’activité sont oubliés, même des plus érudits. C’est là que commence le travail du chercheur.

A l’occasion de la première tranche ont été étudiés 15  teintureries, 11 tissages, 2 blanchisseries, 2 indiennages, 1 bonneterie, 2 bobinages ou dévidages, 2 fabriques de pièces pour métiers à tisser, 2  déchets de coton, 2 brasseries, 1 confiserie industrielle, 2 scieries ou établissements de la filière bois, 1 usine à gaz, 3 moulins, 1 entrepôt (NB : on ne comptabilise dans cette liste que la première fonction d’un site donné).

Quelques pistes de réflexion

La synthèse des données des différentes fiches, la typologie des bâtiments industriels, la hiérarchisation patrimoniale des sites, les enseignements de cette étude seront analysés et exposés dans la troisième tranche de l’étude. Nous souhaiterions simplement donner ici quelques pistes sur l’exploitation possible des documents qui sont, ou seront fournis.

1. Donner les clés pour se faire une idée juste de la valeur réelle du patrimoine industriel du Val d’Argent, Pays d’art et d’histoire. Ce label peut-il être confirmé ou renforcé à ce niveau de la recherche ? Comment se positionne ce patrimoine par rapport à ceux des autres villes industrielles, des autres vallées d’Alsace, des autres régions ? Ce patrimoine s’inscrit-il dans le commun, ou sort-il de l’ordinaire ? D’ores-et-déjà, il est permis d’anticiper sur les résultats de l’étude en affirmant très clairement que le Val d’Argent révèle un patrimoine unique en son genre, au plan national.

2. Offrir la possibilité d’une mission de conseil : à travers l’action des décideurs, proposer aux PME ou autres structures qui pourraient être à la recherche de locaux des implantations dans des « enveloppes » qui ont une signification historique, source d’image de marque pour l’entreprise et outil pour sa communication.

3. Fournir aux élus un outil d’aide à la décision. Il est à souhaiter que les demandes de permis de démolir/construire soient instruites en se servant des résultats de cette étude, parce qu’elle tient compte de la dimension patrimoniale.

4. Plus loin, l’étude se veut un formidable outil pour construire une politique raisonnée, et économiquement viable, de valorisation du patrimoine, et, au-delà, de reconversion de l’ensemble du potentiel construit. Que faire des friches, des locaux abandonnés, des bâtiments en ruines ? Comment anticiper la gestion patrimoniale ? Ces pistes seront développées dans le troisième volet de l’étude.

5. Dans la logique du Pays d’art et d’histoire, proposer des produits qui s’appuient sur ce patrimoine :

– Circuits pédestres pour les touristes, et surtout pour les habitants de la vallée (et en particulier les jeunes), afin qu’ils s’approprient ou se réapproprient ce patrimoine jusqu’à ce jour en friche, en déshérence

– Faciliter ces circuits par des outils pédagogiques (brochures, mallettes, audio-guides…)

– Apposer des plaques discrètes sur les sites concernés, qui offrent un commentaire simple et clair

6. Editer un livre de vulgarisation richement illustré dont le titre pourrait être Textile valley, l’autre Val d’Argent, qui montrerait comment, dans cette vallée mondialement connue pour ses mines, s’est développée au XIXe siècle autour du textile une effervescence créative et économique digne de la célèbre vallée californienne pour le second XXe siècle !

Pierre FLUCK, Diagnostic des sites du patrimoine industriel du Val d’Argent. Première partie : Sainte-Marie-aux-Mines, côté dit « d’Alsace », septembre 2007, 94 p., 471 clichés de sites et de documents d’archives en hors-texte.