Appel  à contributions – Revue du Rhin Supérieur

Réactions d’épidémie

Présentation

La Revue du Rhin supérieur est une revue interdisciplinaire en sciences humaines et sociales, créée en 2018 et portée par l’Université de Haute-Alsace (CRÉSAT, EA-3436). Elle vise à renforcer la connaissance des pouvoirs politiques et des institutions, de l’économie et de la société, de la culture ou encore du territoire. Compte tenu de la dynamique territoriale de l’Université de Haute-Alsace, au cœur du Rhin supérieur, la revue met plus particulièrement en valeur les recherches consacrées à cet espace multinational et aux logiques transfrontalières (France – Suisse – Allemagne).

Numéro thématique

Le 17 février dernier s’ouvrait à Mulhouse le rassemblement de l’église de La Porte Ouverte Chrétienne. À cette date, les spécialistes internationaux envisagent déjà la probabilité d’une pandémie due au  coronavirus, et en France – où le virus serait présent depuis le 24 janvier au moins –, un premier décès a déjà été enregistré. Alors que le 21 février, la direction générale de la santé se félicite de « l’absence de chaîne de transmission active en France », les premiers symptômes apparaissent, trois jours plus tard, chez certains fidèles de l’église mulhousienne. Dès lors, malgré l’annonce, le 6 mars, de la fermeture des établissements d’enseignement haut-rhinois (à l’exception notable de l’enseignement supérieur), le rassemblement évangélique paraît avoir entraîné une « super propagation » dans un contexte sanitaire déjà délicat (système hospitalier en crise, pénurie d’équipements, etc.). Désormais point névralgique de la pandémie sur le territoire français, le Haut-Rhin fait l’objet de mesures inédites dont l’installation d’un hôpital militaire de campagne et l’évacuation de malades sur le reste du territoire métropolitain et dans les pays frontaliers.

Cette place centrale, bien qu’involontaire, de Mulhouse dans la pandémie ne pouvait être ignorée par la Revue du Rhin Supérieur. Bien que le temps des bilans ne soit encore venu, interviews, infographies, tribunes ou articles ne cessent d’apparaître sur divers réseaux et médias, qu’il s’agisse de questionner les mécanismes de propagation d’une pandémie, d’en mesurer les répercussions immédiates ou à venir, ou encore d’enregistrer l’événement par le biais de journaux de confinements ou de collecte de témoignages. Ce déferlement de prises de parole et de position, symptomatique de cette ère de l’hyper-media et créant parfois une réelle « infodémie », n’a jamais suscité autant de débats et oppositions, faisant valoir l’absence de légitimité, de recul ou d’autorité de la part des intervenants.

Pour un chercheur en sciences humaines et sociales, prendre la parole sur la pandémie actuelle pose une réelle question éthique – peut-on analyser un événement en cours, instrumentalisé par certains acteurs politiques, et pour lequel les données demeurent si lacunaires – et oblige à repenser, ou réaffirmer, le positionnement de sa discipline par rapport au monde contemporain. Il ne s’agit cependant pas ici de proposer un énième dossier discutant de la place des sciences humaines et sociales dans l’analyse du monde contemporain, mais de questionner nos réactions, en tant que chercheurs, face à la pandémie et de proposer un espace où chacun, selon sa discipline, ses ressources méthodologiques ou sa sensibilité propre, puisse développer sa propre réflexion, en réaction à la situation inédite à laquelle nous confronte cette nouvelle pandémie. Deux axes seront ainsi privilégiés :

  • Savoir, prévoir ou faire face ? Enjeux économiques et politiques. Tant l’engorgement des hôpitaux que la pénurie de matériel médical ou para-médical (masques, blouses, respirateurs, gels) procèdent de politiques antérieures : désindustrialisation des territoires nationaux, délocalisation des productions, réformes du système de santé et du financement de la recherche scientifique, etc. Parallèlement, la gestion immédiate de la pandémie a mis en relief le caractère stratégique, et pourtant oublié, des circuits logistiques des produits de consommation, du matériel médical ou encore des systèmes de communication. En s’appuyant sur les stratégies développées séparément par certains territoires et/ou États ou à l’inverse sur les coopérations transfrontalières antérieures ou établies en réponse à la crise (transfert de patients par exemple), il s’agira notamment d’envisager les outils législatifs, politiques, économiques et discursifs mobilisés par les pouvoirs politiques pour faire immédiatement face à une épidémie et d’identifier la réactivation éventuelle de dispositifs ou d’éléments de langage antérieurs (état d’urgence, discours martial, etc.). On pourra notamment s’interroger sur les mécanismes d’identification des causes politiques, économiques et sociales, les épidémies faisant tour à tour office de miroir grossissant, déformant ou sans tain d’une société donnée. Sans tomber dans une forme de téléologie, il s’agira plus particulièrement de réfléchir aux modalités et enjeux de la construction immédiate d’un discours, conduisant à pointer des défaillances avérées, supposées ou projetées, à appeler une refondation politique, sociale, économique et territoriale ou encore à alerter sur les conséquences, immédiates ou à long terme, de la perte de mobilité d’une société (crise économique, inégalités sociales, etc.). Des mises en perspective avec d’autres épidémies (Peste de Justinien, Grande Peste de 1347, choléra de 1831, grippe espagnole de 1918, etc.) ou événements mobilisés dans les discours pourront utilement éclairer les permanences dans les constructions politiques établies en réaction à l’épidémie, leurs logiques territoriales, leur réception par leurs populations concernées ainsi que les éventuelles disjonctions entre discours sanitaire et action politique.
  • Parler d’épidémies : récit et construction sociale. Après la grippe « espagnole » (20 à 40 millions de morts en 1918-1920), la grippe « asiatique » (2 millions de morts en 1957), la grippe de 1968 a fait un million de morts dans l’indifférence quasi-générale. À l’inverse, la pandémie de Covid-19 tend à être présentée comme aussi exceptionnelle qu’inattendue. Elle donne ainsi lieu à une surabondance de discours et de stratégies déployées par les institutions et par les individus, souvent pour contrer les effets socio-culturels de la pandémie (mise à disposition de ressources, journaux de confinement, collecte de témoignages, etc.) et dans certains cas conserver, voire créer, une mémoire immédiate de l’épidémie, la sensation de « faire l’histoire » tendant parfois à compenser l’incompréhension liée à l’épidémie, aux conditions de son apparition et à ses conséquences socio-politiques immédiates. Les éléments constitutifs de la mémoire d’une épidémie pourront être questionnés : comment dater un phénomène aussi diffus qu’une épidémie ? Pourquoi des épidémies sont-elles considérées comme plus mémorables que d’autres ? À l’inverse, comment la construction délibérée d’une mémoire immédiate détermine-t-elle à long terme l’élaboration du discours historique ? Par là, une réflexion plus générale pourra être engagée sur les données dont peuvent se saisir les chercheurs en sciences humaines et sociales pour contribuer à la compréhension d’un phénomène initialement sanitaire, dont les répercussions mobilisent l’intégralité d’une société nationale et/ou globalisée.

Délais et modalités

Les articles (compris entre 30.000 et 45.000 caractères) sont à envoyer au plus tard le 31 mai 2020 à l’adresse suivante : revuedurhinsuperieur.cresat@uha.fr. Les contributions, issues de l’ensemble des disciplines constitutives des Sciences humaines et sociales, seront soumises à une évaluation en double aveugle. Les auteurs sélectionnés seront avertis début juillet et devront envoyer leur article définitif avant le 29 juillet 2020 pour une publication en novembre 2020.

Les normes éditoriales peuvent être téléchargées ici

Direction de la revue

Camille Desenclos (Université de Haute-Alsace).

Comité de lecture

Stéphanie Averveck-Lietz (Université de Brême) ; Régis Boulat (Université de Haute-Alsace) ; Guido Braun (Université de Haute-Alsace) ; Michel Deshaies (Université de Lorraine) ; Stéphane Haffemayer (Université de Rouen) ; Carine Heitz (Irstea-ENGEES GESTE) ; Brice Martin (Université de Haute-Alsace) ; Renaud Meltz (Université de Haute-Alsace) ; Eleni Mitropoulou (Université de Haute-Alsace) ; Pascal Raggi (Université de Lorraine).